L'étoile puante -7

We are no longer the knights who say 'Ni!' (Monty Python)

Purée ! J'ai l'impression que mon cerveau vient d'exploser, comme si j'avais fait une chute de quatre cent mètres sur la tête.

En réalité, j'ai fait une chute de quarante centimètres. Ma tête est par terre, mais mes jambes sont toujours sur le lit. Cette fois, c'est dit, j'arrête le whisky. Au moins jusqu'à ce soir. J'espère qu'on n'est pas déjà le soir. C'est quoi ce liquide puant ? Eeerk, mais je suis en train de baigner dans mon vomi. J'essaye d'ouvrir les yeux. La vision de ma chambre, plongée dans la pénombre me fait mal. Les objets tournent lentement. Mes meubles fidèles et haïs : le lit, l'armoire, la table. L'univers minable et étriqué de ma chambre.

C'est ma chute qui a du me réveiller. Merde, je crois que j'étais en train de faire un super rêve. J'étais dans un lit, avec une fille géniale, et le lit volait. Le septième ciel, quoi ! On était sur une autre planète, on vivait plein d'aventures. Complètement débile ce rêve, mais bien agréable. Ah, merde, j'aurais voulu y rester et ne jamais me réveiller.

[NDLR : Ah non, par pitié, pas ce procédé bateau ! C'est un peu facile : quand l'auteur a bien empêtre son personnage dans une situation inextricable, paf, le personnage se réveille en s'exclamant "ce n'était qu'un rêve". Minable ! Tellement décevant de la part d'un auteur comme Nement.]

Ou alors ...
Au fur et à mesure que le rêve me revenait en mémoire, et que les brumes de mon esprit commençaient à se dissiper légèrement -juste assez pour que les rouages se remettent à tourner en grinçant, mais pas assez pour produire un raisonnement sensé, une autre possibilité bien plus folle commençait à s'imposer à moi.

Sturluson savait que j'écrirais cette histoire, qu'elle paraîtrait sur le site du Rien, et qu'elle enfreindrait la législation du Néant en contenant trop de péripéties. Il a donc porté plainte, sachant que l'histoire serait condamnée à révision par le tribunal du Vide. Il savait que je serais renvoyé chez-moi, à mon époque. Lorsqu'il a vu s'éteindre l'anneau, il a cru que j'avais réussi la mission qu'il m'avait confiée, et a voulu me récompenser en me renvoyant chez-moi ! Oui, c'est çà, je le sens !

Mais Snorri ! En revenant sur Terre, j'ai tout perdu ! J'avais trouvé l'aventure, les voyages, une mission à accomplir. Ici, je n'ai rien de tout ça. Et pire que tout, j'ai perdu Maud.

C'est alors que je me rendis compte que les bruits sourds que j'entendais depuis quelques temps ne provenaient pas de l'intérieur de ma tête, mais que quelqu'un était en train de frapper à ma porte.

J'ai rassemblé le peu de forces qui me restait, j'ai relevé mon corps endolori, et je suis allé ouvrir.

Derrière la porte se tenait une grande fille aux cheveux noirs ébouriffés. Elle tenait dans les mains une plante verte du genre fougère dépressive.

Tout ce que j'ai pu faire, c'est rester planté devant la porte comme un imbécile, la bouche ouverte et les yeux ronds, pendant que la fille me parlait.

- Salut, je suis ta voisine d'en face, tu me reconnais ? Je vais devoir m'absenter quelque temps, et je voulais te demander si tu pouvais garder ma plante pendant mon absence. Elle s'appelle Tennyson, et elle ne te fera pas d'ennuis. Merci et à bientôt.

En parlant, elle m'avait tendu la plante que j'avais prise sans m'en rendre compte. Je cherchais quelque chose à dire, mais elle était déjà ressortie en fermant la porte derrière elle.

J'ai de suite regretté ma passivité, mais en même temps, elle avait un air étrangement distant et semblait sur la défensive. Si mon raisonnement fou tenait la route, elle avait peut être traversé la même expérience que moi, et ressentait le même état de confusion. Il valait mieux ne pas précipiter les choses. J'avais d'abord besoin de réfléchir.

A suivre ...