L'étoile puante -11

- Attends. Tu vas voir. Ce lit n'est pas l'Aston Martin de James Bond, mais il est quand même équipé d'un ou deux accessoires utiles.

Maud déplia un drap de lit et en fixa deux coins à des attaches prévues dans les montants avants du lit. Elle tira alors un câble dissimulé le long d'un des montants arrières, et je vis le drap s'élever devant le lit comme une voile.
J'avais envie de rappeler à Maud qu'il n'y a pas de vent dans l'espace, mais quelque chose me retint. Peut être le souvenir encore frais de notre dispute, ou bien la vue de ces deux idiots en train de ramer dans leur canoë.

Comme si elle avait lu dans mes pensées, Maud précisa :

- C'est une voile solaire, Ed. Attends que je l'oriente pour capter le vent solaire de cette étoile jaune.

Et en effet, dès que notre voile prit le vent, le lit fit un bond en avant comme un cheval qui part au galop, laissant nos poursuivants loin derrière nous.

- Nous allons passer derrière cette planète et nous poser discrètement sur la face nocturne. Peut être que cela suffira pour qu'ils perdent notre piste.

***


Notre lit était posé dans une prairie, au bord d'une rivière qu'un petit pont de pierre traversait. De l'autre côté du pont se trouvait une grosse maison à un étage avec un toit de chaume. De la lumière filtrait de toutes les fenêtres et des éclats de voix animées parvenaient jusqu'à nous. Au dessus de la porte, une enseigne de fer forgé se balançait.

- On dirait une taverne, dit Maud. Allons boire un verre et manger un morceau.

- Est-ce bien prudent ? Je commence à me méfier de ce qu'on peut trouver derrière les portes. On ne sait pas où on met les pieds, Maud.

- J'ai soif, faim et froid, et cette taverne me semble bien accueillante. Allons-y.


Quand nous avons poussé la porte, tous les visages se sont tournés vers nous et le silence s'est fait durant un bref instant. Nous ne devions pas avoir l'air très menaçant, car chacun est bien vite retourné à sa conversation. Nous avons trouvé de la place au bout d'une grande table occupée par un groupe d'hommes assez animés et bruyants.

- Commande-nous quelque chose, Ed.

N'ayant aucune idée de comment passer commande dans cet endroit, j'ai repéré un homme en tablier de cuir qui circulait entre les tables et me semblait être le patron, et j'ai utilisé une formule que j'employais habituellement dans mon bar favori :

- Roger, deux Muscadet et deux plats du jour !

Un des hommes du groupe assis à notre table nous regardait depuis un moment, et il se décida à nous adresser la parole d'un air méfiant :

- Vous êtes sûrs que vous êtes des nains ?

- Euh, ... c'est vrai que je ne suis pas très grand, mais ...

- Non, c'est pas ça. C'est que vous n'avez ni barbe, ni bottes en cuir, ni brouette, ni hache, ni bonnet ridicule, bref, tout ce qui fait un Nain, quoi !


C'est à ce moment que je me rendis compte que tous les occupants de notre table, quoique de taille normale, correspondaient exactement à cette description. Une brouette contenant plusieurs haches était même rangée derrière la table. Mon ahurissement dut se marquer sur mon visage.

- Ah, vous êtes étrangers ! Vous avez bien fait de vous asseoir à une table de Nains. Les Nains sont de bons compagnons. Pas comme ces Elfes, là, me dit-il en montrant d'un signe de tête une autre table.

Les gens assis à cette table, bien que de la même stature et visiblement de la même ethnie que les Nains, se tenaient droits sur leurs chaises, étaient vêtus de manière sobre et soignée, portaient des bijoux, hommes comme femmes, et avaient les cheveux long attachés en arrière par des broches. Quelques arcs étaient appuyés au mur derrière leur table.

- Ces gens m'ont l'air tout à fait convenables.

- Ne vous y fiez pas ! Les Elfes sont des comploteurs, des dissimulateurs, des hypocrites. Des snobs qui prennent tout le monde de haut. Ah, quand il s'agit de cirer les pompes des Magiciens, là ils sont les premiers. Mais quand il s'agit de relever ses manches et d'abattre le boulot, là, subitement, on ne trouve plus un Elfe à des lieues à la ronde. Ils se considèrent comme les gardiens de je ne sais quelles valeurs nobles et ancestrales et pensent que le travail est indigne d'eux. Et qui travaille et paie des impôts pour nourrir ces oisifs, hein ? Les Nains bien sûr, qui d'autre ? Ah, les Elfes sont vraiment la pire des races, je ne les supporte pas.

- Excusez mon ignorance, mais y a-t'il d'autres races, en plus des Nains et des Elfes ?

- Bah, bien sûr, il y a les Orques, et euh ... bah, ce sont des Orques. Je sais qu'ils n'ont pas toujours eu le beau rôle dans le passé, mais sur certains points, on ne peut pas nier qu'ils posent les bonnes questions. Et puis, il y a les Hobbits. Ceux-là, ce sont les plus terribles de tous. Je vous souhaite de ne jamais en rencontrer.

- Est-ce qu'il y a des Orques, dans cette pièce ?


- Vous tombez bien, le concert va commencer d'un instant à l'autre. Ce sont 'The Orc Porks', un très bon groupe de musique Orc N'Troll. Il parait qu'ils s'aiguisent les cordes vocales avec des râpes à gruyère avant d'entrer en scène. Tenez, les voilà !

Une bande de cinq gars surexcites à bondi sur une petite estrade près du bar. Ils étaient maquillés de blanc, avec les yeux cernés de noir, portaient des vêtements déchirés et des chaînes. Ils avaient des instruments de musique bizarres, et ils se sont mis à hurler à plein poumons ce que l'on pourrait peut être prendre pour une chanson avec beaucoup de bonne volonté.

FFFFFFFFUUUUUUUUUUUCKKKK !

Yesterday I was dining out with a lovely Hobbit,
Usually it takes two to calm down my appetite.
As it made me nervous I also ate the waitress,
But I had some difficulty to swallow her dress.

Fuck Gandalf ! Fuck Gandalf !
You may well waggle your wand
We will wrest it from your hands
And then stick it in your ass

Leaving the restaurant with my Orc pals,
We met with a party of merry Dwarves.
Then we played a few games of "throwing the dwarf".
Unfortunately we squashed some against a wall.
Dwarves are not as solid as they used to be.


Fuck Gandalf ! Fuck Gandalf !
You may well waggle your wand
We will wrest it from your hands
And then stick it in your ass

We went to a gig with an Elvish band.
They were squeaking like baby snails:
'Love me tender, love me true'.
To help them get a real manly voice,
We ripped them each of a few nails.
And we didn't even got no thanks.

Fuck Gandalf ! Fuck Gandalf !
You may well waggle your wand
We will wrest it from your hands
And then stick it in your ass


Those fucking magicians in the government,
They dream to ban all healthy amusements,
Like rape, plundering or murder.
But this is what we say to the prime minister :

Fuck Gandalf ! Fuck Gandalf !
You may well waggle your wand
We will wrest it from your hands
And then stick it in your ass
Fuck Gandalf ! Fuck Gandalf !
Fuck Gandalf ! Fuck Gandalf !
YEEAAAAAH !


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La 'chanson' des Orques avait mis une ambiance d'enfer dans la taverne.
A ce moment, une bande d'excités munis de barres de fer s'est précipitée à l'intérieur en criant "Mort aux Orques, mort aux Nains, Mort aux Elfes!"
Quelqu'un a hurlé "Des Hobbits !", créant la panique générale.
Les Orques ont été les premiers à réagir, sautant en bas de la scène pour rentrer dans le groupe de Hobbits, donnant force coups de leurs instruments qui s'avéraient finalement plus contondants que musicaux. Ils étaient suivis de près par les Nains, tandis que les Elfes s'étaient prudemment retirés dans un coin sombre pour compter les points.

C'est ce moment qu'ont choisi les pauvres Brown et Kaplan pour retrouver notre trace.
Quand ils ont poussé la porte, quelqu'un a crié "Là, encore deux Hobbits" et ils ont vite été submergés par un amas de Nains et d'Orques.

J'ai regardé Maud et j'ai crié dans son oreille pour me faire entendre :

- Par la fenêtre, comme d'habitude ?

Elle a marqué son assentiment d'un signe de tête.


A suivre ...